Sommet du G7 : des propositions concrètes pour la justice climatique, l’égalité et la paix

Le Canada accueille en ce moment la rencontre du G7, à Charlevoix, au Québec, qui réunit pendant deux jours les dirigeants des 7 États les plus riches au monde qui discutent sur des enjeux internationaux majeurs. À cette occasion, le gouvernement du Canada présente une série de questions, regroupées sous 5 thèmes, dont 3 rejoignent directement les axes de travail de Développement et Paix – Caritas Canada :

  1. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomie des femmes ;
  2. Travailler ensemble à l’égard des changements climatiques, des océans et de l’énergie propre ;
  3. Construire un monde plus pacifique et plus sûr.

Parmi les questions posées par la présidence canadienne, plusieurs nous interpellent directement, dont celles-ci :

  • Comment le G7 peut-il améliorer l’accès des femmes et des filles aux ressources, à l’éducation et aux services financiers et le contrôle qu’elles exercent à cet égard?
  • Comment le G7 peut-il accroître le recours aux sources de financement novatrices destinées aux pays en développement pour favoriser le développement économique durable?
  • Reconnaissant que le changement sociétal ne peut être réalisé en se concentrant exclusivement sur les femmes et les filles, comment le G7 peut‑il le mieux mobiliser les hommes et les garçons pour transformer les relations de pouvoir, remettre en question les normes sociales, et promouvoir l’égalité entre les sexes?
  • Comment le G7 peut-il accélérer la transition vers des économies à faibles émissions de carbone et résilientes aux changements climatiques? Quels devraient être les enjeux, domaines ou initiatives prioritaires du G7?
  • Comment le G7 peut-il appuyer les sociétés ouvertes qui désirent faire avancer la démocratie, les droits de la personne, l’égalité entre les sexes, la primauté du droit et le respect de la diversité?
  • Sur quels enjeux actuels et émergents le Canada et le G7 devraient-ils axer leurs efforts pour contribuer à l’édification d’un monde plus pacifique?
  • Comment le Canada et le G7 peuvent-ils contribuer à ce que les femmes et les filles jouent des rôles de premier plan dans l’édification d’un monde plus pacifique et plus prospère, notamment dans le cadre de la prévention des conflits, de la lutte contre l’extrémisme violent et du développement de sociétés plus prospères?

Fort de plus de 50 ans de solidarité envers les pays du Sud, Développement et Paix – Caritas Canada, a formulé quelques recommandations à l’intention du gouvernement du Canada et des autres membres du G7 :

En matière de lutte aux changements climatiques, les actions à entreprendre par le Canada et les pays du G7 sont, globalement, de deux ordres : agir sur les causes, soit les émissions de gaz à effet de serre (GES), et de mitiger les impacts, notamment sur la vie des communautés les plus pauvres et vulnérables.

Rappelons que les pays du Nord sont, historiquement, les plus grands responsables des changements climatiques et que les communautés pauvres et vulnérables des pays du Sud sont, majoritairement, les plus durement touchées par les impacts des changements climatiques, lesquels impacts se font déjà sentir dramatiquement dans certaines parties du monde. Nous savons depuis plusieurs années, qu’un changement de cap drastique est nécessaire, aux niveaux social, politique et économique, afin de contenir la hausse de la température en-deçà de 2° Celsius.

Pourtant, à ce jour, le Canada demeure l’un des plus importants émetteurs de GES per capita. Également, en comparaison avec d’autres pays développés, nous tardons à mettre en place les mesures de suivi relatives aux engagements adoptés par la communauté internationale. Par exemple, le gouvernement fédéral n’a toujours pas présenté de feuille de route détaillée pour mettre fin aux subventions aux énergies fossiles à l’horizon de 2025, un engagement adopté par le G20… en 2009.

Afin d’être le leader climatique qu’il prétend être, Développement et Paix – Caritas Canada, de concert avec les organisations canadiennes travaillant sur le sujet, propose au gouvernement du Canada d’adopter les stratégies suivantes, et d’en faire activement la promotion auprès de ses pairs lors du prochain sommet du G7 :

  • Adopter des cibles de réduction des émissions de GES plus ambitieuses. Actuellement, les cibles définies dans le cadre de l’Accord de Paris ne couvrent que le tiers de ce qui est nécessaire pour maintenir la hausse globale de la température à 2° C.
  • Contribuer significativement aux mécanismes financiers publics, afin de fournir aux pays du Sud les ressources nécessaires leur permettant de s’adapter aux changements climatiques. Il s’agit là d’une mesure nécessaire, afin d’assurer la crédibilité et la confiance du reste de la communauté internationale envers le Canada et de ses collègues du G7; et, surtout, d’assumer notre responsabilité historique envers les pays du Sud.
  • Publier une feuille de route détaillée visant à mettre un terme définitif à toutes subventions publiques versées à l’industrie des combustibles fossiles d’ici à 2020; prendre des mesures pour agir immédiatement en ce sens; et s’engager à élaborer des plans nationaux, participatifs et à plus long terme, de décarbonisation totale des économies.
  • Interdire tout nouveau projet d’infrastructure qui engagerait davantage le Canada dans une économie dépendante de l’extraction de ressources naturelles non renouvelables et polluantes. Ceci vaut aussi bien pour les oléoducs, les gazoducs, les projets de fracturation hydraulique et l’augmentation du trafic pétrolier le long des côtes.

Cette année, nous avons lancé une campagne qui a comme thème « Les femmes au cœur de la paix ». En effet, nous avons constaté que les femmes représentent actuellement le meilleur espoir pour construire la paix dans le monde. Les statistiques sont claires : lorsque les femmes participent aux pourparlers de paix, les accords qui s’ensuivent sont 35 % plus susceptibles de durer au moins 15 ans. La participation active des femmes en politique est également un facteur clé dans la construction de sociétés pacifiques : quand 35 % des parlementaires sont des femmes, le risque de reprise d’un conflit est proche de zéro. Cela dit, seulement 2 % du financement international consacré à la paix et à la sécurité va à la parité ou à l’autonomisation des femmes.

Ainsi, nous suggérons fortement au Canada, et à l’ensemble des pays du G7 de soutenir des processus démocratiques dans des pays marqués par les conflits armés, en investissant massivement dans des organisations et des initiatives citoyennes et en particulier celles portées par les femmes, œuvrant pour la prévention de la violence et la construction de la paix

En d’autres termes, il s’agit de faire un virage à 180 degré par rapport à ce que fait actuellement le gouvernement du Canada, qui investit massivement dans l’industrie militaire (ventes de blindés légers à l’Arabie Saoudite et hausse du budget militaire de près de 14 milliards, soit 70%, en 10 ans), et très peu dans l’aide internationale au développement. En effet, après un gel du budget de l’aide au niveau où l’avait descendu le précédent gouvernement, une hausse a été annoncée, dans le cadre du dernier budget fédéral, présenté en mars dernier : 2 milliards de dollars sur 5 ans. Cela représente le plus important investissement réalisé dans ce secteur depuis 16 ans. Cependant, le montant additionnel arrivera tout juste à combler l’inflation, et demeure insuffisant pour rattraper le retard et hausser notre niveau de l’aide au-delà de 0.26% du revenu national brut, où il se situe actuellement – ce qui nous place au 5e rang des pays du G7, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Italie.

Aussi, nous croyons que ce choix d’investir largement dans la militarisation, plutôt que dans l’aide au développement et l’aide humanitaire, empêchera de concrétiser véritablement les objectifs de la nouvelle politique canadienne d’aide internationale, féministe et toute entière consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que l’autonomisation des femmes. Les conflits armés représentent l’une des principales causes de vulnérabilité, d’insécurité et de violences pour les femmes et les filles, dans de nombreux pays du monde.

Si le Canada veut se présenter comme un leader mondial à travers son approche féministe au développement, il devra certainement augmenter le financement de l’aide au développement, et s’assurer que les fonds viendront soutenir des organisations locales et des initiatives de femmes, notamment celles luttant contre les violences et pour la prévention des conflits, ainsi que la construction et le maintien de la paix, incluant le respect des droits humains. Le renforcement de ces organisations demeure la stratégie la plus prometteuse que les pays du G7, et au premier chef le Canada, peuvent mettre en place pour un monde plus pacifique et plus sûr. Les États du G7 doivent reconnaître leur rôle historique dans la perpétuation de la pauvreté et des conflits dans les pays du Sud et, par conséquent, appuyer les populations locales dans la construction de sociétés pacifiques, prospères, inclusives et justes.

Que ce soit en matière de développement économique et communautaire, de lutte et d’adaptation aux changements climatiques ou d’initiatives de prévention des conflits et de construction de la paix, la participation des communautés concernées – et en particulier des groupes marginalisés, comme les femmes et les filles – est cruciale à la mise en place de stratégies efficaces et de solutions durables.

Pour ce faire, il ne suffit pas d’augmenter le nombre de personnes dans des lieux de rencontre ou des processus consultatifs. Il faut surtout accroître la capacité des communautés et des groupes marginalisés à exercer leur influence et leur pouvoir politique, afin d’assurer leur autonomie et avoir une voix dans les décisions les concernant.

Dans cette optique, l’un des moyens les plus efficaces est de soutenir davantage les organisations communautaires et les associations locales citoyennes, sur le long terme et en plaçant les priorités et les stratégies identifiées par les communautés elles-mêmes au   cœur de toute initiative.

Le gouvernement du Canada aura toutes les cartes en main dans quelques jours, à l’occasion du Sommet du G7, pour rehausser son influence sur la scène internationale et jouer un rôle dans la résolution des grands défis de notre monde.