Un ombudsman des droits de la personne au Canada, réactions de nos partenaires au Brésil, au Honduras et aux Philippines

Nos partenaires au Brésil, au Honduras et aux Philippines, ont vivement réagi à l’annonce du gouvernement du Canada de la création d’un poste d’ombudsman pour les sociétés canadiennes qui opèrent à l’étranger.

Le mercredi 17 janvier, Développement et Paix – Caritas Canada a salué l’annonce du gouvernement canadien de la création d’un poste d’ombudsman des droits de la personne qui supervisera les opérations minières, pétrolières et gazières canadiennes après dix ans de campagne sur cette question. Le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a annoncé que l’ombudsman aura le pouvoir d’enquêter sur les plaintes concernant les opérations à l’étranger des entreprises canadiennes et qu’il publiera des rapports publics sur les allégations de préjudice. Le bureau fera également des recommandations pour obtenir réparation, se prononcera sur l’admissibilité des entreprises aux services gouvernementaux, la réforme de politiques et de lois.

Le ministre a également annoncé la création d’un conseil consultatif multipartite pour des entreprises responsables, qui conseillera le gouvernement sur les affaires et les droits de la personne. Développement et Paix – Caritas Canada sera l’un des représentants de la société civile à ce conseil et pourra ainsi surveiller la création de l’ombudsman et faire des recommandations au gouvernement concernant la conduite des entreprises canadiennes à l’étranger et son impact sur les collectivités.

 

Voici quelques réactions de défenseurs des droits de la personne dans les pays du Sud, qui réclament depuis plusieurs années l’accès à la justice pour les collectivités impactées par les opérations de compagnies minières canadiennes :

» L’industrie minière et les autres industries extractives graduellement corrompent notre génération par la culture du gaspillage, entraînant ainsi des préjudices pour l’environnement et les personnes. À terme, une telle culture tolère la violation des droits fondamentaux de la personne et entrave irrémédiablement la dignité humaine. L’archipel des Philippines est aussi bien une illustration frappante qu’un témoignage vivant des effets tragiquement douloureux de l’exploitation minière.

La décision du gouvernement canadien et, en particulier, du ministre du Commerce international, de créer un poste d’ombudsman indépendant chargé de surveiller l’exploitation minière à l’étranger et d’enquêter sur les plaintes relatives à ces activités, est une initiative opportune. Toutefois, bien qu’optimistes, nous devons demeurer vigilants et veiller à ce que les entreprises et le gouvernement n’influencent pas les décisions de l’ombudsman, ainsi qu’à la pleine exécution de ces dernières.

En tant qu’Église, nous réitérons le principe suivant, affirmé dans Laudato si’ : si nous utilisons et gérons les ressources de la création de manière équilibrée, nous ne nuirons pas à notre Terre. «

– L’archevêque Rolando J. Tria Tirona, Président de NASSA-Caritas Philippines

 

» La création d’un poste d’ombudsman des entreprises minières par le gouvernement canadien est un développement positif. Cela ouvrira sans doute un nouvel espace pour revendiquer la reddition de comptes et la justice au profit des milliers d’agriculteurs, de peuples autochtones, de femmes et d’enfants qui ont été victimes de déplacements forcés, de violations des droits de la personne et des effets de la destruction environnementale commise par des entreprises minières canadiennes en activité ici, aux Philippines.

Les entreprises canadiennes ont un long historique en matière de violation des droits humains et de destruction de l’environnement dans le pays. Un cas marquant est celui de la catastrophe minière de Marcopper (1996), sur l’Île de Marinduque, qui a causé la pollution de rivières et des eaux littorales sur des kilomètres, et affecté les moyens de subsistance des agriculteurs et des communautés de pêcheurs qui dépendaient des écosystèmes de la région. Suite aux exhortations de mouvements populaires, la mine Placer Dome, contrôlée par des intérêts canadiens, fut fermée puis rachetée par une autre entreprise canadienne, Barrick Gold, qui est la plus grande société d’exploitation aurifère au monde. Les communautés touchées sont toujours en quête de responsables.

Actuellement, dix entreprises minières canadiennes cotées en bourse sont présentes aux Philippines. Les communautés touchées par les opérations minières partagent les mêmes combats contre les violations des droits humains et les injustices environnementales. Elles attendaient depuis longtemps la possibilité d’avoir recours aux services d’un ombudsman aux fins de réparations. Nous espérons que l’ombudsman écoutera et qu’il portera attention aux requêtes du peuple philippin.

Nous avons également des attentes quant à l’impartialité et l’indépendance de l’ombudsman dans le traitement des plaintes. À une époque où l’accaparement et la mainmise par les entreprises sur les ressources naturelles sont d’ordre systémique, il est primordial que dans l’exercice de ses fonctions, l’ombudsman défende la justice sociale et environnementale, les droits humains, ainsi que la transparence et la responsabilité au profit des peuples. À notre sens, ce ne sont que quelques-uns des principes que l’ombudsman devra appliquer pour être réellement indépendant et efficace dans l’accomplissement de son mandat. «

– Centre pour les préoccupations environnementales, Philippines

 

» Au Honduras, nous saluons ce pas en avant que constitue la nomination d’un ombudsman par le gouvernement canadien pour traiter les plaintes des communautés touchées par les activités à l’étranger d’entreprises minières basées au Canada. Le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises de l’industrie extractive qui relevait davantage d’une vision volontariste de la responsabilité sociale des entreprises et moins de l’obligation qui pèse sur tous les États de protéger les droits humains du fait de leur caractère universel, s’est montré inefficace pour limiter le pouvoir de ces entreprises.

Pendant plus d’une décennie, un certain nombre d’organisations canadiennes et latino-américaines ont soulevé le besoin urgent pour le gouvernement canadien de prendre des mesures plus cohérentes pour contraindre les entreprises minières à respecter les normes internationales en matière de droits humains dans le cadre de leurs opérations et de leurs pratiques. Le moyen préconisé à cette fin était la création d’un ombudsman doté des compétences nécessaires pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains portées contre les entreprises canadiennes ou enregistrées au Canada, et de donner accès à des recours auprès des tribunaux compétents pour permettre aux victimes d’obtenir justice et réparations.

Nous espérons que ces demandes et propositions ont été prises en compte dans la définition du mandat de l’ombudsman qui vient d’être nommé par le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau. Si son mandat ne comprend pas les mécanismes nécessaires pour donner aux victimes un accès à la justice, le Canada enverrait au monde entier un message négatif quant à son engagement de protéger les droits de la personne. «

– Pedro Landa, Équipe de réflexion, d’enquête et de communication
de la Compagnie de Jésus au Honduras

 

» Le réseau Iglesias y Minería salue l’annonce de la création d’un ombudsman pour le secteur minier au Canada. Il y a quelque temps, nous dénoncions, de concert avec les communautés touchées, les nombreuses violations en Amérique latine aux mains des entreprises minières étrangères. Il est d’autant plus difficile d’obtenir le respect des droits humains par les entreprises étrangères que les mécanismes de prise en charge de ces plaintes manquent dans les pays où les violations sont commises. Nous avons bon espoir que l’ombudsman au Canada disposera de compétences suffisantes pour constituer une surveillance étatique efficace avec la capacité de provoquer un changement au sein des entreprises canadiennes.

Justiça nos Trilhos est un réseau constitué de communautés du nord du Brésil qui subissent les effets des activités de l’entreprise minière brésilienne Vale. Pour ces communautés, dont les droits sont bafoués par l’exploitation, le rôle de l’État est essentiel pour surveiller les activités minières et pour garantir le respect des droits humains qui priment sur les intérêts économiques. C’est pourquoi Justiça nos Trilhos et les victimes de Vale mènent un combat pour contraindre l’entreprise à respecter les droits humains quel que soit le pays où elle exerce ses activités.

Dans notre pays, nous nous sentons responsables des violations qui se perpétuent. Nous saluons la création par le Canada d’un poste d’ombudsman pour le secteur minier : nous avons besoin de politiques qui déploient un réel contrôle de l’économie et qui garantissent le principe fondamental du respect des peuples. Nous rappelons que l’agence de financement canadienne EDC a sans cesse financé les opérations de Vale sur nos territoires dans le nord du Brésil (1 milliard $ CA en 2010 et 775 millions $ CA en 2014). Nous espérons que l’ombudsman pourra également enquêter sur ces investissements et sur les dommages qu’ils ont entraînés. «

– Fr. Dario, Directeur du réseau Iglesias y Mineria en Amérique latine