Par le Dr Abdi Tari Ali, directeur de pays adjoint, Trócaire, Somalie
Pour souligner la Journée mondiale de l’alimentation, nous vous présentons un éditorial du Dr Ali, dont le travail nécessaire à la survie de Somaliennes et de Somaliens est en partie financé par Développement et Paix – Caritas Canada en tant que membre de la Banque canadienne de grains.
Le 16 octobre est la Journée mondiale de l’alimentation, et je ne peux que penser à tous ces gens qui désespèrent de trouver à manger dans mon pays.
Des millions de Somaliennes et de Somaliens vivent déjà au bord de la famine. Et ce sont encore les plus vulnérables qui en paient le prix fort. Quand va-t-on déclarer officiellement la famine ? Demain ? La semaine prochaine ? Pour les enfants, les femmes et les hommes qui se battent pour essayer de grappiller un repas, cette déclaration signifiera seulement que le monde ne s’est pas assez préoccupé d’eux pour agir à temps.
La dernière famine officielle que le monde ait connue ici s’est déroulée en 2011. Plusieurs estiment que la moitié des 250 000 personnes qui sont mortes de faim à cette époque étaient déjà décédées quand la famine a été « déclarée officiellement ». À ce moment-là, je travaillais au centre de stabilisation de Trócaire en Somalie.
Nous traitions les enfants de moins de cinq ans malnutris, ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Pourtant, je n’ai jamais vu des conditions aussi terribles que celles que nous connaissons aujourd’hui.
Quand les enfants viennent dans nos centres, ils sont si faibles qu’ils peinent à respirer. Des enfants comme Hodhan qui, à douze mois, ne pesait que 5,1 kg en arrivant au centre. Elle était tellement malnutrie et déshydratée que même la couleur de ses cheveux avait changé.
« Je n’avais pas assez de nourriture pour la nourrir tous les jours. Il nous fallait acheter l’eau et la nourriture qui coûtent très cher, et nous n’avons pas de moyens de subsistance… Il n’a pas plu pendant les quatre dernières saisons, ce qui a fait grimper en flèche le prix de la nourriture et de l’eau. Nous n’arrivons pas à répondre aux besoins de toute la famille », explique Lulu, la mère d’Hodhan.
Pendant un mois nous avons donné des soins médicaux à Hodhan et l’avons alimentée avec du lait thérapeutique, au coût de 120 $. Cent vingt dollars pour sauver la vie d’un enfant ! Mais en ce moment, le service de nutrition est complètement débordé, et la réponse de financement n’est pas à la hauteur de la crise.
Nous travaillons avec des communautés qui sont habituées à vivre dans la pauvreté. Normalement, nous traitons une moyenne de 160 patients par mois dans nos centres, mais maintenant, nous en recevons cinq fois plus. Ce que nous voyons aujourd’hui dans nos cliniques nous brise le cœur. Il est difficile d’installer une intraveineuse quand les enfants n’ont pas de muscle. Nous ne pouvons qu’essayer de sauver le plus de vies possible.
Chaque jour qui passe est pire que le précédent.
Plus d’un million de Somaliennes et de Somaliens ont dû quitter leurs foyers à cause de la sécheresse qui s’est installée. Ils se seraient débattus pour nourrir leurs familles même si les prix de la nourriture s’étaient maintenus au même niveau. L’an dernier, il coûtait environ 55 $ par mois pour nourrir une famille. Aujourd’hui, les prix de la nourriture et de l’eau potable ont monté en flèche, et il en coûte maintenant plus de 150 $ par mois. Que peuvent faire ces familles maintenant ?
Nous vivons tous dans un village global où les nouvelles se propagent partout sur la planète à la vitesse d’un clic. Pourtant, en cette Journée mondiale de l’alimentation, combien de gens vont se soucier des millions de personnes qui meurent de faim en Somalie ? Le ferez-vous ?
Nous vous encourageons à faire un don pour aider le Dr Ali et notre partenaire Trócaire à continuer de sauver le peuple somalien de la famine.
