Quand l’expression exploitation minière prend tout son sens

La Sierra Leone est un pays riche en ressources naturelles avec d’importants gisements de minerai de fer, de diamants, de bauxite, de rutile et d’or. Les ressources minérales de la Sierra Leone contribuent pour environ 24% au PIB du pays et à plus de 80% des recettes d’exportation. Malgré ces revenus, la Sierra Leone est au 184e rang de l’indice de développement humain (IDH), selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ce qui est le plus frappant, c’est que les communautés où se trouvent ces exploitations minières bénéficient peu, voir pas, des revenus générés. Les routes ne sont pas mieux construites, lorsqu’il y a de l’électricité c’est avant tout pour alimenter la mine, les services étatiques (santé, éducation, etc.), ne sont pas davantage accessibles. Au contraire, clientélisme, népotisme, corruption et violence accompagnent le développement minier en Sierra Leone.

Dans le pays, coexistent plusieurs formes de développement minier : l’exploitation minière à grande échelle, les mines artisanales, l’exploitation minière à petite échelle et des formes illégales d’exploitation soutenues par des autorités locales. Mais quelle que soit la forme que prend cette exploitation minière, les femmes et les filles y sont particulièrement vulnérables. En effet, on constate dans les communautés minières, une augmentation de la violence conjugale, des cas de viols, de la prostitution, ainsi qu’une augmentation des grossesses adolescentes, du travail des enfants… et la liste n’est pas complète.

Quel est le lien entre l’extraction minière et la diminution de la qualité de vie des femmes et des filles de ces communautés ? Habituellement, le développement minier est en grande partie responsable de la destruction des liens sociaux existants, ces liens qui sont les assises même de la vitalité d’une communauté. Souvent, les communautés sont déplacées dans des endroits qu’elles n’ont pas choisis et qui sont éloignés de leur lieu de travail, des écoles, des lieux de culte. Ceci a pour cause de séparer les familles et de nuire à la vie communautaire. Si les gens ne sont pas déplacés, leurs moyens traditionnels de subsistance, généralement la petite agriculture, se trouvent grandement affectés. La dégradation de la qualité du sol, de l’eau, de l’air sont des conséquences directes de l’exploitation minière.

Le développement minier s’accompagne aussi d’influx de travailleurs masculins étrangers à la communauté qui travaillent dans des conditions très risquées et sont sous-payés. Cette hausse de travailleurs étrangers amène, au mieux, le développement d’une économie parallèle et souvent sous-terraine, dépendante de ces mêmes travailleurs. Et au pire la prostitution, le travail des enfants (ils sont les mieux placés pour se faufiler dans des chemins étroits, ou comme porteurs par exemple), l’exploitation sexuelle et la violence en générale, incluant la violence basée sur le genre.

Face à cette situation, les femmes ont décidé de s’organiser et de prendre la parole. Les 10 et 11 décembre derniers, avec le soutien de Développement et Paix – Caritas Canada, elles étaient à Freetown, capitale du pays, dans le cadre de la première Conférence nationale sur les impacts de l’exploitation minière sur les femmes et les filles. Lors de cette conférence, organisée par notre partenaire WOME (Women on Mining and Extractive), elles ont fait entendre leurs voix auprès des décideurs de la Sierra Léone. Elles veulent que ces derniers les écoutent afin qu’ils prennent conscience des impacts de l’exploitation minière sur leur vie, celles de leurs enfants et des communautés locales.

Développement et Paix appui en Sierra Leone des associations qui visent la participation des femmes aux prises de décisions dans leur vie quotidienne mais aussi leur participation à la vie publique. L’autonomisation, l’implication associatif et l’amélioration des conditions économiques des femmes sont au cœur de notre approche.

Elles souhaitent également que les autorités nationales sachent qu’elles connaissent les lois qui les protègent et qui encadrent l’exploitation minière, qu’elles ont le droit de dire non au développement minier, et que si les communautés choississent d’y dire oui, ces dernières doivent bénéficier de revenus additionnels. Ces femmes, dignes et fières, font face aux impacts de l’exploitation minière, elles ont su développer d’autres moyens de subsistances pour ne pas dépendre de l’exploitation minière.

Grâce à leurs actions, leur qualité de vie s’est améliorée, leurs enfants retournent à l’école et les liens communautaires se tissent de nouveau. En prenant ainsi la parole, en se tenant debout, elles nous forcent à nous questionner sur la nécessité des ressources minières : avons-nous vraiment besoin de plus de minerais ? Est-ce que le coût de l’exploitation minière en vaut vraiment la chandelle ? Et si on apprenait à vivre différemment ? À mieux chérir ce qu’on a, à y prendre soin de façon à l’avoir plus longtemps, à apprendre à réparer nos objets, à les réutiliser ? Et si au lieu de faire profiter les compagnies et actionnaires de ce monde, nous contribuions plutôt à faire en sorte que les communautés prennent elles-mêmes en charge leur développement et s’organisent face à l’exploitation ?

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