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Venezuela : plus de 7 millions de raisons de se soucier d’une crise oubliée

Par Judith Faucher, Chargée de la recherche de financement de projets internationaux

Le Canada et l’Union européenne coorganisent une Conférence internationale en solidarité avec les réfugiés et migrants vénézuéliens et avec leurs pays et communautés d’accueil à Bruxelles, en Belgique, les 16 et 17 mars 2023. Cette conférence a pour but de présenter les progrès réalisés dans la gestion de la crise migratoire vénézuélienne, de se montrer solidaire envers les pays et communautés d’accueil, de sensibiliser l’opinion publique et d’identifier les actions futures. Il s’agit donc d’un moment opportun pour revoir la situation et la réponse de Développement et Paix ― Caritas Canada.

Depuis 2015, le Venezuela est plongé dans une crise sociale, politique et économique majeure. La chute drastique du prix du pétrole, dont le pays tire encore près de 90 % de ses revenus d’exportation, cumulée à une baisse de la production, à la corruption et aux sanctions économiques ont entraîné une hyperinflation, l’effondrement du système de santé, des pénuries alimentaires, des coupures d’électricité et d’eau potable ainsi que des troubles civils prolongés.

Une situation désespérée

Bien que les taux de pauvreté aient baissé pour la première fois en sept ans, plus de la moitié de la population vénézuélienne reste pauvre et les facteurs sociaux jouent un rôle croissant dans la pauvreté (voir l’Enquête nationale sur les conditions de vie en espagnol1).

La malnutrition et l’insécurité alimentaire affectent particulièrement les jeunes enfants et les femmes enceintes. Face au manque de services de base et de moyens de subsistance, beaucoup sont contraints de prendre des mesures désespérées comme manger moins, boire de l’eau insalubre et même se tourner vers le commerce du sexe pour survivre. Les femmes et les enfants sont devenus plus vulnérables à la traite des êtres humains, la violence basée sur le genre est répandue et de nombreux de cas de féminicides ont été recensés. Les services de protection sont donc de plus en plus nécessaires.

Un peuple en déplacement

Cette situation a créé une crise internationale du déplacement qui n’est surpassée que par la crise syrienne. La Plateforme de coordination régionale interagences pour les réfugié.e.s et les migrant.e.s du Venezuela (R4V) estime que plus de 7,1 millions de personnes ont fui le Venezuela, incluant plus de 6 millions qui se trouvent en Amérique latine et dans les Caraïbes (voir article en anglais). La Colombie est le pays d’accueil principal avec 2.48 millions de Vénézuéliens et Vénézuéliennes. D’autres pays d’accueil régionaux importants sont le Pérou, l’Équateur, le Chili et le Brésil.

Ces pays d’accueil subissent donc une pression une pression énorme pour fournir des services de base de santé, d’éducation et de protection aux migrant.e.s vénézuélien.ne.s, dont la plupart sont à la recherche d’opportunités économiques. Poussés par la xénophobie, le rejet, le racisme ou le désir de retrouver leur famille, de nombreux Vénézuéliennes et Vénézuéliens finissent par rentrer chez eux. Leur mobilité est toutefois limitée par l’expansion territoriale des groupes armés colombiens près de la frontière et par les confrontations régulières entre les milices vénézuéliennes, de plus en plus nombreuses, et l’armée vénézuélienne.

Une réponse soutenue

Développement et Paix – Caritas Canada a suivi de près la crise depuis le début. Nous avons investi 3 825 000 millions de dollars pour soutenir le peuple vénézuélien à travers nos partenaires du réseau Caritas.

Au Venezuela, nous avons mis en œuvre deux projets. De 2017 à 2018, notre partenaire Caritas Venezuela a répondu aux besoins urgents en matière de santé et de nutrition grâce au soutien financier d’Affaires mondiales Canada. En 2019, le soutien de la Banque canadienne de grains a permis à Caritas Venezuela et à Catholic Relief Services de fournir des transferts monétaires visant à acheter de la nourriture à 4 416 personnes de 884 ménages (dont 98 % dirigés par des femmes).

En Colombie, le soutien financier d’Affaires mondiales Canada nous a permis d’aider Cáritas Colombiana à mettre en place une réponse multisectorielle aux besoins humanitaires des personnes migrantes vénézuéliennes depuis 2020. En trois phases (de 2020 à 2023), le projet aura bénéficié à quelque 40 000 personnes, dont près de 60 % de femmes. La réponse holistique comprend la fourniture de kits d’hygiène (y compris des couches et des produits d’hygiène menstruelle, selon le cas), des transferts monétaires, des subventions pour le transport, un hébergement sécuritaire, des soins de santé primaires, des référencements vers des spécialistes de la santé et des services psychosociaux.


Des résultats qui réchauffent le cœur

Fuyant le Venezuela en 2020, Karla Roxana Goméz, 29 ans, est arrivée dans le nord de Santander, en Colombie, avec son mari et ses deux fils âgés de 8 et 10 ans. Après une fausse couche, elle est récemment devenue enceinte. Malgré une grossesse à haut risque, elle n’a eu aucun contrôle ni vaccination. « Nous ne pouvions même pas nourrir notre famille », dit-elle. L’emploi de son mari dans une station de lavage de voitures était si peu payant que même le savon et le papier hygiénique semblaient être des produits de luxe.

Après avoir évalué les besoins de Mme Goméz, Cáritas Colombiana a commencé à lui fournir des kits d’hygiène, un soutien psychosocial, des références pour le suivi médical et des subventions pour le transport afin qu’elle puisse se rendre à ses rendez-vous. Cáritas Colombiana l’a également aidée à obtenir un permis de protection temporaire afin qu’elle puisse accéder aux services de santé du gouvernement colombien. Ils lui ont également donné la possibilité d’avoir une échographie, autrement inabordable, et ils ont déménagé sa famille de la maison située au sommet d’une colline, où elle avait du mal à se rendre à pied alors qu’elle était enceinte, vers une maison plus accessible.

Au moment de ce rapport, la date d’accouchement approchait et Mme Goméz avait reçu tous ses vaccins et était en bonne santé. « J’ai beaucoup demandé à Dieu pour mon bébé », a-t-elle déclaré, « et il vous a mis sur mon chemin pour nous aider ! Je vous suis très reconnaissante de votre soutien. »

Luisa Leonor, 50 ans, n’avait jamais imaginé devoir vendre des sacs à main dans la rue, mais c’était un travail honnête qu’elle était heureuse de faire à son arrivée à Palmira, en Colombie, il y a deux ans. Mais un accident de moto l’a laissée trop abîmée pour affronter les privations auxquelles sont confrontés la plupart des migrants. En 2022, alors que ses blessures commençaient à guérir, un autre problème est apparu : son abdomen s’est mis à gonfler de manière inexplicable.

C’est à ce moment-là que Mme Leonor a contacté Cáritas Colombiana. L’équipe a rapidement évalué ses besoins et a commencé à lui apporter un soutien psychologique. Une équipe sociojuridique l’a aidée à se régulariser, à s’inscrire à l’assurance maladie et à demander un permis de protection temporaire. Des allocations en espèces l’ont aidée à patienter jusqu’à ce que les prestations soient versées. Entre-temps, elle a été orientée vers une organisation caritative médicale qui a posé un sombre diagnostic : l’enflure abdominale était probablement une tumeur cancéreuse.

Après avoir obtenu la couverture médicale de l’État, Cáritas Colombiana est restée avec Mme Leonor et a subventionné ses déplacements pour se rendre à ses rendez-vous en oncologie. Ils l’ont accompagnée dans l’attente angoissante des résultats de la biopsie après l’opération et dans la célébration de sa guérison du cancer, que Mme Leonor a qualifiée de « grand miracle ». Elle a ajouté : « Que Dieu continue à vous bénir, afin que vous puissiez continuer à aider les personnes venant du Venezuela ».


Les perspectives

Développement et Paix – Caritas Canada soutient les recommandations suivantes faites à la communauté internationale par le Groupe de travail de Caritas Internationalis sur la crise vénézuélienne (qui comprend 11 agences Caritas) dans sa déclaration commune de novembre 2022 :

  • Soutenir les efforts visant à améliorer les conditions de vie au Venezuela, en particulier pour les personnes qui restent dans le pays ou qui y retournent.
  • Prendre connaissance des nouveaux trajets d’exode et de la « féminisation » de la crise, qui se manifeste par la vulnérabilité croissante des femmes à l’exploitation et à la traite des êtres humains.
  • Promouvoir la reconnaissance, la protection, la légalisation et l’intégration des personnes réfugiées vénézuéliennes dans les pays d’accueil afin qu’ils puissent vivre dans la dignité.

Ce plaidoyer sera porté par Janeth Márquez, directrice de Caritas Venezuela, à la Conférence internationale en solidarité avec les réfugiés et migrants vénézuéliens et avec leurs pays et communautés d’accueil. En attendant, nous réaffirmons notre solidarité avec le peuple vénézuélien et les communautés d’accueil partout en Amérique latine. Votre soutien est essentiel pour permettre à nos partenaires de continuer à les servir.


  1. L’Encuesta Nacional de Condiciones de Vida (Enquête nationale sur les conditions de vie), basée à l’Universidad Católica Andrés Bello à Caracas, a été initiée en 2014 par une coalition d’universitaires qui, face à la pénurie de données gouvernementales, souhaitaient générer des statistiques fiables pour les chercheurs, les décideurs politiques, les législateurs et les organisations de la société civile.

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